Débat présidentiel final en Corée du Sud : quand la diplomatie cède place aux attaques personnelles

May 28, 2025
Politique
Débat présidentiel final en Corée du Sud : quand la diplomatie cède place aux attaques personnelles

Le dernier face-à-face avant l'élection du 3 juin

Le mardi 27 mai 2025, les quatre principaux candidats à l'élection présidentielle sud-coréenne se sont retrouvés pour leur troisième et dernier débat télévisé, organisé par la Commission nationale des élections dans les studios de MBC à Sangam, dans l'ouest de Séoul. À une semaine exactement du scrutin du 3 juin, Lee Jae-myung du Parti démocrate, Kim Moon-soo du Parti du pouvoir du peuple, Lee Jun-seok du Nouveau Parti de la réforme et Kwon Young-kook du Parti démocratique du travail avaient deux heures pour convaincre les électeurs sur leurs visions diplomatiques, sécuritaires et de réforme politique.

Ce débat final était particulièrement attendu car il devait permettre aux candidats d'exposer leurs positions sur les questions internationales cruciales pour la Corée du Sud, notamment l'alliance avec les États-Unis, les relations avec la Chine et la Russie, ainsi que la gestion de la menace nord-coréenne. Cependant, comme pour les deux précédents débats, les échanges ont rapidement dérivé vers des attaques personnelles et des règlements de comptes politiques, déçevant une fois de plus les observateurs qui espéraient un débat de fond sur les enjeux majeurs du pays.

L'audience télévisée continue de décliner, reflétant la lassitude des citoyens face à ces joutes verbales qui peinent à éclairer les véritables choix politiques. Cette tendance inquiétante souligne l'échec du format actuel des débats à remplir leur mission première : permettre aux électeurs de faire un choix éclairé.

Visions diplomatiques divergentes sur l'alliance avec les États-Unis

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Sur le volet diplomatique, Lee Jae-myung a réaffirmé que l'alliance entre la Corée du Sud et les États-Unis constituait le pilier fondamental de la diplomatie sud-coréenne. Le candidat de centre-gauche s'est engagé à faire progresser cette alliance de manière pratique, progressive et tournée vers l'avenir, tout en promouvant la coopération trilatérale incluant le Japon. Il a également souligné l'importance de ne pas négliger les relations avec la Chine et la Russie, œuvrant ainsi au maintien de la paix et de la stabilité dans la péninsule coréenne.

Kim Moon-soo, représentant du camp conservateur, a adopté une approche plus ferme en mettant en garde contre les menaces balistiques et nucléaires posées par le régime de Kim Jong-un. L'ancien ministre du Travail s'est également montré critique envers ceux qui prônent le retrait des soldats américains stationnés au sud du 38e parallèle et le démantèlement de l'alliance Séoul-Washington. Il s'est engagé à renforcer les capacités de dissuasion nucléaire en s'appuyant sur les liens avec les États-Unis, afin de rendre le pays inébranlable face à toute menace.

Ces divergences révèlent deux conceptions distinctes de la sécurité nationale : une approche plus équilibrée et diplomatique pour Lee Jae-myung, contre une stratégie plus musclée et alignée sur Washington pour Kim Moon-soo. Ces différences pourraient s'avérer déterminantes dans le choix des électeurs, particulièrement dans un contexte géopolitique tendu.

La question de la destitution de Yoon Suk Yeol au cœur des débats

L'ombre de l'ancien président Yoon Suk Yeol et de sa tentative ratée d'instaurer la loi martiale le 3 décembre 2024 a plané sur l'ensemble du débat. Lee Jae-myung a directement interpellé Kim Moon-soo sur sa position concernant la destitution de Yoon, cherchant à le mettre en difficulté sur cette question sensible. Kim Moon-soo a répondu qu'il considérait le processus de destitution comme valide conformément à la décision de la Cour constitutionnelle, tout en soulignant que des vices de procédure avaient existé durant le processus.

Le candidat conservateur a également indiqué que le jugement sur les allégations d'insurrection devait être rendu après la fin du procès en cours à la Cour centrale du district de Séoul. Cette position nuancée témoigne de la difficulté pour le Parti du pouvoir du peuple de se distancier complètement de l'héritage toxique de Yoon Suk Yeol, tout en tentant de préserver sa crédibilité démocratique.

Cette controverse illustre parfaitement la polarisation politique qui traverse la société sud-coréenne depuis la crise constitutionnelle de décembre 2024. Les électeurs semblent divisés entre ceux qui voient dans cette élection une opportunité de tourner définitivement la page de l'autoritarisme et ceux qui craignent une dérive populiste de l'opposition.

Propositions de réforme constitutionnelle et politique

Sur le volet des réformes politiques, les candidats ont présenté des visions contrastées pour moderniser les institutions sud-coréennes. Lee Jae-myung a annoncé qu'il réviserait la Constitution de manière à renforcer les exigences pour l'imposition de la loi martiale, limiter le droit de veto du président et consolider les droits fondamentaux du peuple. Cette proposition répond directement aux traumatismes causés par la tentative de coup de force de Yoon Suk Yeol.

Kim Moon-soo a adopté une approche plus consensuelle en déclarant qu'il chercherait à mettre en œuvre des politiques qui unissent le peuple indépendamment de sa richesse, de ses préférences politiques ou de sa région. Cette rhétorique de rassemblement contraste avec les divisions profondes qui marquent actuellement la société sud-coréenne.

Lee Jun-seok s'est présenté comme le candidat le plus approprié pour mener la réforme constitutionnelle, en prenant l'exemple de la France et du président Emmanuel Macron. Kwon Young-kook a quant à lui proposé de réformer la Constitution pour interdire la discrimination, apporter des changements dans les secteurs du travail et de l'agriculture, et lutter contre le changement climatique. Ces propositions diverses reflètent l'absence de consensus sur les priorités de réforme du système politique sud-coréen.

Attaques personnelles et dégradation du débat public

Malheureusement, comme lors des précédents débats, les échanges ont rapidement dégénéré en attaques personnelles et en invectives. Les candidats ont préféré ressasser d'anciennes controverses plutôt que de présenter des solutions concrètes aux défis auxquels fait face la Corée du Sud. Cette dérive a particulièrement déçu les observateurs qui espéraient un débat de qualité sur les enjeux diplomatiques et sécuritaires.

La qualité médiocre de ces débats se reflète dans la baisse continue de l'audience télévisée, qui est passée sous la barre des 20% pour la première fois depuis l'introduction des débats télévisés en 1997. Cette désaffection du public témoigne de l'échec du format actuel à remplir sa mission démocratique fondamentale.

Les critiques pointent du doigt les défaillances institutionnelles du format même des débats. Actuellement, seuls trois débats sont obligatoires selon la Commission nationale des élections, chacun durant 120 minutes. Le système rigide d'attribution du temps de parole limite chaque candidat à seulement six minutes et demie de discussion libre, empêchant tout approfondissement véritable des sujets abordés.

L'impact sur l'opinion publique et les perspectives électorales

À une semaine du scrutin, ces débats décevants laissent les électeurs sud-coréens dans l'incertitude quant aux véritables orientations politiques des candidats. L'absence de débat de fond sur les enjeux majeurs du pays - économie, démographie, environnement, relations internationales - prive les citoyens des éléments nécessaires pour faire un choix éclairé.

Les sondages montrent que Lee Jae-myung conserve une avance significative, mais l'écart pourrait se resserrer dans les derniers jours de campagne. L'élection du 3 juin sera cruciale pour l'avenir démocratique de la Corée du Sud, particulièrement après la crise constitutionnelle provoquée par Yoon Suk Yeol.

Cette élection présidentielle anticipée représente un test majeur pour la démocratie sud-coréenne. Les électeurs devront choisir entre différentes visions de l'avenir du pays, malgré l'échec des débats télévisés à éclairer véritablement ces choix. L'enjeu dépasse largement les personnalités en présence : il s'agit de déterminer quelle direction prendra la Corée du Sud dans un contexte géopolitique complexe et après une crise institutionnelle sans précédent.

Vers une réforme urgente du système des débats

L'échec patent des débats présidentiels de 2025 souligne la nécessité urgente d'une réforme en profondeur du système. Les experts appellent à augmenter le nombre et la durée des débats, à réviser le format pour permettre davantage d'échanges directs entre candidats, et à donner aux modérateurs ou aux experts politiques l'autorité d'interroger directement les candidats au nom des électeurs.

Il existe également des préoccupations concernant le format surchargé des débats, où des candidats sondés à 1 ou 2% bénéficient du même temps de parole que ceux crédités de 30 ou 40% d'intentions de vote. Relever le seuil de participation pourrait contribuer à améliorer la qualité générale des échanges en se concentrant sur les candidats ayant un soutien public viable.

Alors que la Corée du Sud se dirige vers l'élection du 3 juin, les électeurs se retrouvent face à la réalité décevante que le processus formel de débat a échoué à leur fournir les comparaisons politiques substantielles dont ils ont besoin pour prendre des décisions éclairées. Les débats qui étaient censés promouvoir un vote rationnel ont plutôt contribué à la polarisation politique qu'ils étaient supposés atténuer.

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