"Un jour, ils ont disparu sans un mot"... L'héritage douloureux des Casques bleus qui abandonnent les femmes congolaises après les avoir mises enceintes

Jul 17, 2025
Actualités
"Un jour, ils ont disparu sans un mot"... L'héritage douloureux des Casques bleus qui abandonnent les femmes congolaises après les avoir mises enceintes

Les victimes oubliées du maintien de la paix onusien

Dans la chaleur étouffante de Birere, un campement informel de Goma dans l'est du Congo, Dmitri, 12 ans, se cache dans la cabane de tôle précaire de sa mère. Ses cheveux bouclés et sa peau claire - héritage de ses origines mixtes - font de lui une cible de moqueries des autres enfants. Sa mère, Kamate Bibiche, garde précieusement sous son lit une boîte poussiéreuse contenant les seuls souvenirs de Yuri, un soldat de la paix russe de l'ONU qui, selon elle, est le père de son fils avant de disparaître sans laisser de trace. Cette histoire déchirante illustre un schéma troublant qui hante la Mission de l'Organisation des Nations Unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo (MONUSCO) depuis plus de deux décennies. Depuis son déploiement fin 1999, la MONUSCO a été confrontée à de nombreuses allégations d'exploitation et d'abus sexuels impliquant des femmes et des jeunes filles. La mission, initialement destinée à protéger les civils et stabiliser la région, est devenue synonyme d'abandon et de trahison pour des centaines de femmes vulnérables. Le rapport de 2024 fait état d'une augmentation alarmante des allégations d'abus sexuels liés aux missions de la MONUSCO, avec 66 cas sur 100 allégations totales concernant cette mission spécifiquement.

L'ampleur du scandale : chiffres et témoignages accablants

관련 이미지

Les rapports récents dressent un tableau dévastateur de l'inconduite sexuelle au sein des opérations de maintien de la paix de l'ONU. Selon un rapport de l'ONU de mars 2024, les allégations d'abus et d'exploitation sexuels liées aux missions de maintien de la paix ont atteint 100 cas en 2023, soit une augmentation par rapport aux 79 cas de 2022. La MONUSCO, ainsi que sa prédécesseure MONUC, a représenté 66 de ces 100 allégations, soulignant de graves préoccupations concernant la responsabilité au sein de la mission. Ces incidents concernent 143 victimes, dont 115 adultes et 28 enfants, selon les Nations Unies. Ces chiffres ne représentent que les cas signalés, suggérant que l'ampleur réelle des abus pourrait être bien plus importante. Le centre d'accueil Congo Family for Joy abrite au moins cinq enfants qui ont été conçus par des troupes de la MONUSCO puis abandonnés par leurs mères en raison du stigmate social. Nelly Kyeya, directrice du centre, révèle que son organisation soutient environ 200 femmes et filles qui ont subi une exploitation sexuelle de la part du personnel de la MONUSCO. Cette situation dramatique s'est encore aggravée avec l'escalade récente du conflit dans la région, les rapports de l'ONU documentant une augmentation alarmante de 572 cas de viol enregistrés en une seule semaine entre janvier et février 2025, avec près d'un tiers des victimes étant des enfants.

Des histoires de trahison qui se répètent

L'histoire de Maria Masika reflète celle d'innombrables autres femmes dans l'est du Congo. À 17 ans, elle a entamé une relation avec un soldat de la paix sud-africain stationné près de la base de Minuggi. Le soldat savait qu'elle était mineure mais a continué la relation, lui fournissant un logement près de la base et lui rendant visite régulièrement après ses heures de service. Quand leur fille Queen est née, le soldat de la paix a disparu, laissant Masika élever l'enfant seule. Désespérée de subvenir aux besoins de sa fille, Masika risque maintenant sa vie en travaillant comme travailleuse du sexe à Sake. La Force de défense nationale sud-africaine a reconnu ces allégations au sérieux, déclarant que des tribunaux militaires sur site sont tenus lorsque des preuves crédibles d'exploitation sont trouvées. Cependant, les dommages causés aux victimes comme Masika et leurs enfants restent irréversibles. De nombreuses femmes font face à un stigmate sévère de leurs communautés pour avoir eu recours au travail du sexe de survie, les menant souvent à abandonner leurs enfants. La situation s'est intensifiée en 2025, avec des rapports montrant que jusqu'à 700 femmes et filles ont été victimes de violence sexuelle au cours de la dernière année dans le contexte des conflits armés en RDC. Ces témoignages révèlent un système défaillant où les soldats de la paix, censés protéger les populations vulnérables, deviennent eux-mêmes des prédateurs profitant de leur position d'autorité.

L'échec systémique de la justice internationale

La réponse de l'ONU à ces allégations révèle des défaillances fondamentales dans le système de maintien de la paix. Malgré une politique de tolérance zéro pour l'exploitation et les abus sexuels, de nombreux auteurs échappent aux poursuites en raison de complexités juridictionnelles. Sandrine Lusamaba, coordinatrice nationale de Sofepadi, une organisation de défense des droits des femmes en RDC, explique que l'ONU manque d'autorité directe pour poursuivre les coupables d'exploitation sexuelle, permettant à de nombreux délinquants de rester impunis. De nombreux États membres refusent de coopérer dans les poursuites de leurs soldats, créant une culture d'impunité. Lorsque les allégations sont corroborées, le personnel est généralement marqué dans le système de l'ONU et interdit de déploiement futur, mais cette action administrative ne suffit pas à la justice pénale. Le Fonds fiduciaire à l'appui des victimes fournit une certaine assistance, mais de nombreuses victimes comme Kamate et Masika restent inconscientes des systèmes de soutien disponibles. Le problème s'est intensifié en 2025, avec des rapports montrant que jusqu'à 700 femmes et filles ont été victimes de violence sexuelle au cours de la dernière année dans le contexte des conflits armés en RDC. Cette situation révèle un système judiciaire international défaillant, incapable de protéger les plus vulnérables et de sanctionner efficacement les abus commis par ceux qui sont censés les protéger.

Le contexte tragique du conflit congolais

La crise d'exploitation sexuelle se déroule dans le contexte du conflit en cours et de la catastrophe humanitaire au Congo. L'est du Congo a été en proie à des décennies de combats entre les forces gouvernementales et les groupes rebelles pour le contrôle de la région riche en minéraux. En janvier 2025, la région de Goma est tombée aux mains des rebelles M23 soutenus par le Rwanda, avec environ 7 000 personnes tuées lors de la capture de la ville. L'ONU estime que plus de 8 millions de personnes sont actuellement déplacées, ce qui en fait l'une des plus grandes crises de déplacement interne au monde. De nombreux résidents souffrent d'une pauvreté extrême, manquant de nécessités de base comme la nourriture, l'eau et l'abri, rendant les femmes et les filles particulièrement vulnérables à l'exploitation. La terrible situation humanitaire crée des conditions où les femmes désespérées peuvent entrer dans des relations avec des soldats de la paix en échange de nécessités de base, soulignant le déséquilibre de pouvoir inhérent qui rend de telles relations intrinsèquement exploitantes. Cette situation d'urgence humanitaire prolongée a créé un environnement où l'exploitation prospère, les femmes et les enfants étant les plus touchés par cette tragédie humaine continue qui semble sans fin.

La colère populaire contre la MONUSCO

Les communautés locales ont exprimé une colère et une frustration croissantes face aux échecs de la MONUSCO. Des manifestations anti-MONUSCO ont éclaté en 2022, avec des manifestants exigeant le départ de la mission en raison de son incapacité à protéger les civils et des allégations d'inconduite. Les manifestations ont tourné à la violence, entraînant de multiples morts et blessés, y compris des soldats de la paix et des civils. Les manifestants ont pillé les installations de l'ONU et forcé les évacuations, reflétant un ressentiment profondément enraciné envers la mission. Les activistes de la société civile soutiennent que la présence de la MONUSCO a rendu le peuple congolais complaisant concernant la résolution de leurs propres problèmes de sécurité. Le gouvernement de la RDC a appelé à un départ accéléré des forces de maintien de la paix de l'ONU, les accusant d'avoir échoué à mettre fin à la violence pendant leur présence de 25 ans. En septembre 2023, des manifestations violentes contre la MONUSCO à Goma ont fait au moins 57 victimes selon le ministre de l'Intérieur congolais, Peter Kazadi. Ces manifestations, initialement organisées par une secte religieuse appelant au départ de la MONUSCO, ont été réprimées violemment par l'armée congolaise. Les réactions de la population locale sur les réseaux sociaux et dans les forums communautaires reflètent un mélange d'indignation et de désespoir, avec des utilisateurs exprimant que les soldats de la paix supposés protecteurs sont devenus de nouveaux auteurs de violence contre les femmes les plus vulnérables de la région.

Vers une réforme du système : défis et perspectives

Malgré les preuves accablantes d'échecs systémiques, il y a eu quelques efforts de réforme. La MONUSCO a mis en place des mesures préventives améliorées, notamment des équipes d'évaluation des risques et des programmes de formation améliorés. La mission a également établi des mécanismes de soutien aux victimes et une coopération avec les organisations locales pour fournir des services médicaux, psychosociaux et de protection. Cependant, ces mesures se sont avérées insuffisantes pour aborder les causes profondes de l'exploitation et des abus sexuels. La communauté internationale doit exiger des mécanismes de responsabilité plus forts, notamment des poursuites obligatoires des délinquants par leurs pays d'origine et une compensation adéquate pour les victimes. La politique de tolérance zéro du Secrétaire général de l'ONU a besoin de mécanismes d'application avec de vraies conséquences, pas seulement des actions administratives. L'ONU a reconnu que le problème va au-delà des cas individuels, avec le Haut-Commissaire aux droits de l'homme Volker Türk insistant sur la nécessité de comprendre les liens politiques et économiques globaux du conflit. En décembre 2023, la MONUSCO a renforcé ses mesures préventives suite à la suspension de huit membres de la Force militaire pour leur violation systématique et généralisée des consignes de l'organisation. Ces soldats ont été surpris en train de fraterniser dans des endroits connus pour promouvoir le sexe transactionnel. Jusqu'à ce que des réformes systémiques soient mises en place et que les auteurs fassent face à de vraies conséquences, le cycle d'exploitation et d'abandon continuera, laissant plus de femmes et d'enfants comme Kamate, Dmitri, Masika et Queen souffrir les conséquences d'un système brisé conçu pour les protéger.

MONUSCO
Casques bleus
Congo
exploitation sexuelle
enfants abandonnés
M23
mission de paix
abus sexuels

Découvrir plus

Vers la liste